Les 10 meilleures pièces de théâtre à (re)lire cet été…

 

La plupart des festivals sont cet été ajournés, nous allons devoir nous passer cette année de théâtre…

Du moins nous passer de voir des spectacles, car rien ne nous empêche de pallier ce manque par la lecture ou la relecture des textes. Lire le théâtre, ce n’est d’ailleurs pas si excentrique : au lycée c’est de cette manière que nous avons étudié nos « classiques ». Et puis surtout, il faut rappeler que nombreuses sont les œuvres dramatiques qui furent composées pour être lues sans aucun souci d’être jamais jouées. C’est le cas notamment de presque tout le théâtre romantique : Lorenzaccio ne fut créé sur la scène qu’en 1896 alors que ce drame avait été publié par Musset en 1834 dans un volume intitulé Un spectacle dans un fauteuil.

Comme pour chacune de mes playlists du mois dernier celle-ci se caractérise par une subjectivité assumée mais aussi le souci de la diversité des propositions en espérant peut-être vous faire découvrir une « pépite ».

 

1. Oncle Vania, d’Anton Tchekov (1897)

Cinq personnages en quête d’un bonheur improbable dans une atmosphère « fin de siècle ».

Le vieux professeur Sérébriakov et sa jeune épouse Elena (qui n’aime plus son mari et que la paresse et l’ennui envahissent) rejoignent à la campagne Sonia la fille que Sérébriakov a eu d’un premier mariage. Celle-ci est amoureuse du docteur Astrov qui l’ignore. Et puis il y a Vania, « l’oncle Vania » : il gère le domaine foncier de son ex-beau-frère, Sérébriakov, avec l’aide de Sonia. Amoureux éconduit d’Elena, il hait son vieux mari.

Car Il a tout sacrifié pour Sérébriakov : il a géré le domaine contre un salaire de misère, a contribué à payer les dettes, il a même aidé son beau-frère dans son œuvre, en traduisant des textes avec Sonia, le tout sans obtenir la moindre reconnaissance. C’est pourquoi, quand Sérébriakov parle de vendre le domaine, il explose et tente de le tuer.

Mais le meurtre raté de Sérébriakov tourne au ridicule le plus total, et la tentation du suicide au puéril caprice.

Le docteur Astrov vient enfin compléter la distribution, Indifférent à l’amour de Sonia, il désire Elena .Son amitié pour Vania succombe à leur rivalité pour Elena qu’il quittera sans regret.

L’amour déçu et sans espoir, l’avènement d’un âge voué à l’individualisme, l’impossible bonheur et l’intuition de la fin d’un monde sont les thèmes majeurs d’une pièce subtile aux répliques ciselées…d’une inactualité actuelle.

 

2. Les mains sales, de Jean-Paul Sartre (1948)

A propos d’un assassinat programmé.

La pièce aborde la question de l’idéalisme et du réalisme en politique. Ces « mains sales », ce sont celles qu’il faut accepter quand on accède aux responsabilités. C’est la question de la « fin » qui justifierait les moyens. Le machiavélisme est-ce une fatalité de la politique ?

A noter une subtile construction en tableaux : une grande partie de la pièce est un « retour en arrière ». On peut vraiment parler d’une réécriture réussie de Lorenzaccio.

Le théâtre de Sartre n’a pas tant vieilli que cela : Huis-Clos, Le Diable et le Bon Dieu méritent le détour.

 

3. La Résistible ascension d’Arturo UI, de Bertold Brecht (1941)

Pour découvrir le théâtre de Brecht, voici une pièce d’un abord assez facile.

Transposée dans le Chicago pendant la période de la « Prohibition », la conquête du pouvoir par Adolf Hitler est racontée sous forme d’une parabole qui rapporte l’accès d’un gangster, Arturo UI, à la tête de la mafia (Brecht pense à Al Capone)

Dix-sept scènes constituent  une parabole sur la prise de pouvoir d’Adolf Hitler et son extension. La pièce se rapporte à la période qui va de 1929 à 1938. Elle démontre qu’à de nombreuses reprises l’avènement d’Hitler aurait pu être évité.

 

4. Electre, de Jean Giraudoux (1937)

Variation sur le mythe des Atrides, cette pièce interroge le souci de la vérité, l’exigence de vérité et de justice. Le ton souvent burlesque contribue à défaire la tragédie antique de sa solennité. La pièce est une réussite qui s’inscrit dans une large tendance des années quarante à donner aux mythes une actualité brûlante

(Je pense évidemment à la pièce de Sartre, Les Mouches.)

 

5. Dommage qu’elle soit une putain, de John Ford (1626)

Du théâtre élisabéthain on ne connaît guère que Shakespeare …et pourtant il y a au moins Christopher Marlowe l’inventeur de Faust et l’auteur génial du Juif de Malte et puis John Ford, maître du théâtre noir, de ces tragédies plus sombres que les plus sombres pièces de Sénèque. Bref pour connaître une de ces pièces qui caractérisent ce qu’Artaud appelle le « théâtre de la Cruauté », je vous propose de découvrir cette « pépite » hystérique et macabre qui rapporte l’histoire de Giovanni et Annabella, sa sœur, uni par un amour incestueux qui les conduit à la mort. Un scandale déjà à l’époque et une œuvre dont l’insolence subversive demeure à travers ses excès assumés.

 

6. Les Bonnes, de Jean Genêt (1947)

Inspirée de l’affaire des sœurs Papin, cette pièce est un absolu chef d’œuvre littéraire qui propose une réévaluation du célèbre couple maître valet, cette fois-ci hors de la comédie. La pièce revêt une dimension philosophique et politique sur l’aliénation, le jeu social, le jeu existentiel …Que Sartre ait été fasciné par Genêt se conçoit aisément.

Claire et Solange, les deux bonnes au service de « Madame » se sentent emprisonnées et réduites à leur condition sociale. Le malaise est aussi entretenu par le fait que Solange et Claire se confondent continuellement, l’une incarnant la raison (Solange) et l’autre la passion (Claire). On a donc une parodie de tragédie classique, avec un héros tragique (Claire/Solange) et un dilemme (tuer Madame, ou un dilemme intrinsèque qui repose sur la volonté de se découvrir, départ à la recherche de soi-même).

Pas une ride.

 

7. Qui a peur de Virginia Woolf ?, Edward Albee (1962)

Qui a peur du Grand Méchant Loup ? Who is afraid of big/bad Wolf ? D’où le titre …Et ce « grand Méchant Loup », c’est le conformisme « petit bourgeois » de quelques intellos aigris, c’est l’usure que le quotidien inflige même aux couples originellement les plus passionnés.

A l’occasion d’un verre, un couple de quinquagénaires se déchire sous les yeux d’un jeune couple de collègues.

Synopsis : « Martha, la cinquantaine, fille du grand patron de l’université, est mariée depuis plus de vingt ans à George, professeur d’histoire. C’est une femme grande et solide, encore belle mais d’une beauté altérée, et d’un tempérament par moments violent. Lui, plus jeune, grisonnant, portant beau, est d’une intelligence redoutable qui devient inquiétante au fil des actes.

À la suite d’une réception donnée par le père de Martha, Nick, jeune professeur de biologie, cheveux coupés court, opportuniste, franchement arriviste et animé de ruses simples mais efficaces, est venu prendre un verre avec sa jeune épouse Honey, angélique, sotte et souvent à la limite de l’hystérie, rêveuse et évanescente, de fait, ce n’est qu’un petit monstre sec.

Une scène de ménage d’une sourde violence éclate entre George et Martha : tout au long de la pièce c’est un déballage délirant de vérités et de mensonges qui va bouleverser surtout le jeune couple. George et Martha, au matin, seuls, se retrouveront encore une fois ensemble. Jusqu’au prochain ouragan. »

La plus tonitruante des « scènes de ménage ». Une scène : elle est « jouée », elle a été répétée et elle se « rejoue » d’une représentation à l’autre.

 

8. Dans la Solitude des champs de coton, de Bernard-Marie Koltès (1985)

Dans la solitude des champs de coton met en scène un dealer et un client dans une situation de deal. Le dealer sait que le client désire est dépendant de quelque chose qu’il (le dealer) peut lui offrir. Il est cependant dépendant lui aussi du désir du client.

« […] On parle de désir. Désir donc si difficile à nommer, celui de l’un celui de l’autre, désir de l’autre, désir du désir de l’autre… Désir de mort peut-être le seul désir authentique tant les autres sont difficiles à combler. Et le dialogue se fait combat, danse aussi, étreinte probablement… » Patrice Chéreau.

Un texte somptueux. C’est peut-être encore plus fort à lire qu’à voir…

 

9. Partage de Midi, de Paul Claudel (1905)

Paul Claudel est héla un auteur aujourd’hui délaissé. Dommage, il s’agit pourtant du dernier de nos Grands Ecrivains dont l’œuvre théâtrale est à la fois dramatique et poétique, héritière de l’Histoire universelle du théâtre qui accueille la Tragédie grecque comme le Nô japonais.

Cette pièce qui est largement autobiographique rapporte l’amour tragique de Mesa et Ysé, dans la continuité mythique de l’histoire de Tristan et Iseult.

Un texte magnifique !   A découvrir absolument !

 

10. Juste la fin du Monde, Jean-Luc Lagarce (1990)

On l’ignore en France mais JL Lagarce est l’auteur de langue française le plus joué dans le monde après Molière ! Sa notoriété internationale est immense alors qu’il reste méconnu en France même si son œuvre est entrée dans le répertoire de la « Comédie Française ».

Juste la fin du monde est sa pièce la plus célèbre et la plus fine.

Synopsis : « Louis rend visite à sa famille pour la première fois depuis des années. Il retrouve sa mère, sa sœur Suzanne, son frère Antoine et sa belle-sœur Catherine. Il a l’intention de leur annoncer sa maladie et que sa mort prochaine est irrémédiable, mais son arrivée fait resurgir souvenirs et tensions familiales. Chacun exprime divers reproches et Louis repart sans avoir pu faire l’annonce de sa mort. »

La famille…le sujet de la tragédie par excellence… revisité dans une langue que transcende le « vers libre »…

Un texte bouleversant, d’une justesse et d’une sensibilité rares.

 

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