Les mots qui font l’actu…

LES MOTS DU « DÉCONFINEMENT »

 

Après les mots du confinement le mois passé voici naturellement ceux du « déconfinement ».

On y découvrira la difficulté à dire l’inédit, à nommer ce qui n’a pas été vécu, ni observé auparavant.

Ces semaines furent une épreuve pour les hommes mais aussi pour le langage…la sidération, l’angoisse, la surprise sont aujourd’hui perceptibles dans l’embarras à mettre des mots sur les choses … tous les recours possibles aux stratégies rhétoriques ont été mobilisés : le néologisme (création d’un mot nouveau), le xénisme (emprunt à un lexique étranger), l’acronyme (assemblage des premières syllabes d’une expression déterminée), l’oxymore (association de termes aux significations contradictoires). Toutes les ressources pour désigner l’inconnu avec des signes reconnus ont été réunies, afin de rendre plus maniable et familier ce qui relève toujours à présent de la plus énigmatique étrangeté.

 

1. Déconfinement :

Il s’agit d’un néologisme fabriqué pour les besoins de la pandémie, sur le modèle du « déremboursement » qui exprimait le refus de la Sécurité Sociale  de continuer à rembourser certains médicaments. On devine la même inspiration à l’œuvre dans ces deux créations poétiques de l’Administration.

Le préfixe « dé » indique le recul, la marche arrière …Il s’agit de « dé-faire » ce qui a été fait, en « de-confinant » de « dé-construire » le précédent confinement.

D’où la nécessité d’en revenir au sens du mot confiner.

En latin cum (ensemble) préfixé à finis (la limite, la frontière) donne au français l’étymon du verbe confiner : rassembler ensemble dans les limites d’un même territoire.  Le confinement assigne à un lieu commun une population. Quand il s’agit d’un seul individu on dira que ce dernier est placé à l’isolement.

Les malices de la langue nous conduisent à rappeler que le confinement est rarement localisé aux confins ( à l’extrémité) du territoire. Le ghetto qui est une forme ancienne de confinement perpétuel se situe le plus souvent au cœur ou à proximité du centre de la ville : Le confinement n’implique pas toujours la déportation…

 

2. Covid 19 :

L’acronyme est tout nouveau et il désigne non le virus mais plutôt la maladie qu’il suscite.

Voilà pourquoi il convient de parler de « la » covid, la coronavirus disease, la maladie du coronavirus. La confusion entre la maladie et le virus est fréquente. La preuve : notre facilité à donner le genre masculin à Covid 19. Trop nombreux sont encore journalistes et politiques à parler « du » Covid…On emploie ainsi depuis longtemps Sida au lieu de VIH ou encore mononucléose pour virus d’Epstein-Barr, moins facile à retenir.

Notre virus, celui qui provoque la Covid 19, il s’appelle SARS-CoV-2, coronavirus 2 du syndrome respiratoire aigu sévère…Un nom qui fait peur…

 

3. Télétravail :

Va-t-il ou non s’imposer dans le prolongement du « déconfinement » ?

Avant la crise sanitaire seulement 8 à 15% des salariés y avaient recours en France, alors qu’en Europe la moyenne se situait autour de 20% , autour de plus de 30% aux Etats-Unis et plus généralement dans les pays anglo-saxons.

Par télétravail il faut entendre une certaine forme d’organisation du travail (et non un aménagement du temps de travail !) qui conduit le télétravailleur à exercer de façon régulière une activité qui aurait pu être effectuée dans les locaux de l’employeur hors de ces locaux. Il dispose pour cela de toutes les nouvelles techniques de communication et d’information.

Les grèves à la RATP et à la SNCF au mois de décembre 2019 ont, dans un premier temps, été l’occasion d’étendre cette possibilité. Le confinement l’a généralisée…Le « déconfinement » va t’il en provoquer la fin ?

Pour les télétravailleurs les avantages paraissent évidents : un plus grand confort, un gain de temps et d’énergie par la disparition pure et simple du temps de transport, une plus grande liberté dans l’organisation des horaires de travail mais aussi dans le choix du lieu de travail, conduisant même à une forme de nomadisme. Pourtant le « travail à distance » isole évidemment. Il exagère le repli sur la sphère privée, voire intime, et participe de la poussée d’un hyper individualisme aux effet sociaux ravageurs. Pour beaucoup le lieu de travail est un lieu de rencontres et d’échanges, un lieu de sociabilité et d’ouverture sur le monde extérieur, c’est aussi un espace identitaire fort. Sa disparition pourrait mener à un relâchement puis à la rupture du lien social. Côté employeurs, les avantages sont immobiliers. L’espace disparaît, il cesse de peser comme une charge mais du même coup les télétravailleurs sont moins facilement contrôlables ; ils sont moins « proches » évidemment et donc moins connus. Cette distance est une difficulté pour le management et la gestion des Ressources Humaines.

 

4. Cluster :

Voici un autre mot qui s’est imposé dans le lexique de notre quotidien. Il nous paraît donc « familier » mais en même temps « difficile » à définir précisément. Quand on l’emploie, en dehors du contexte sanitaire, c’est pour parler informatique, génétique, linguistique, économie, médecine, voire d’urbanisme (on entend parfois évoque le cluster de la Défense).

C’est un mot étranger, anglais ; il est normal qu’on ne le comprenne pas intuitivement…Il désigne la grappe, le groupe, l’amas…Dans le contexte épidémiologique, on dira « cluster » quand on observera deux cas identiques sur un même territoire. Par convention, au-delà de 50 cas on dira « foyer ».

Pourquoi ? Pourquoi pas foyer dans tous les cas ? J’aurais tendance à penser que le choix des termes n’est jamais innocent : employer un mot anglais aux significations nombreuses « floute » la compréhension du contexte dans lequel il est employé, rendant plus inquiétant la réalité dont le mot ne dessine pas assez précisément les contours.

 

5. Plage dynamique :

Rouvrir les plages pour les vacanciers est une nécessité pour le tourisme mais limiter les rassemblements pour éviter la propagation de la maladie reste un impératif sanitaire…dans ce déchirement nait l’oxymore facétieux de « plage dynamique ».

Qu’espèrent les vacanciers quand ils se rendent à la plage ? S’allonger sur le sable, s’enduire d’huile solaire et rester immobile comme un cachalot échoué sur la grève du littoral atlantique…ça, c’était pour les plages « statiques »…mais ça c’est terminé : la plage sera un lieu de passage où l’on se croise et s’agite à distance. On y court pour se rendre dans la mer, la planche sous le bras. L’expression est empruntée aux surfeurs australiens :

« Surf and go » : Fais du surf et puis va- t’en !

Sympa !

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