Les Chroniques de l’IFG, « Greta Thunberg, une mythologie contemporaine ou la croisade d’une enfant »

Notre biosphère est sacrifiée pour que les riches des pays comme le mien puissent vivre dans le luxe. Ce sont les souffrances du plus grand nombre qui paient pour le luxe du plus petit nombre. Et si les solutions au sein du système sont impossibles à trouver, nous devrions peut-être changer le système lui-même.

C’est ce que déclare le 14 décembre devant la COP 24, Greta Thunberg.

Elle est en en colère : nous devrions peut-être changer le système lui-même… Elle a froncé les sourcils, opté pour un regard lourd de reproches…c’est la juste colère dont parle Platon quand il la figure telle un cheval blanc seul susceptible de ramener sur le droit chemin un attelage symbolique (l’âme) que le concupiscible, le cheval noir, fait « délirer », à proprement parler « sortir du sillon » !

La colère est bien une passion archaïque, une passion du commencement, une passion première et primitive qui nous reconduit à l’essentiel :

« Chante, Déesse, d’Achille la colère désastreuse, qui de maux infinis accabla les achéens et précipita chez Hadès tant de fortes âmes de héros, livrés à eux-mêmes en pâture aux chiens et à tous les oiseaux carnassiers… »

C’est ainsi que débute la première œuvre de fiction de notre histoire occidentale…Nos valeurs sont nées de L’Iliade et le poème invoque cette passion ambivalente, la colère, à la fois destructrice et parfois juste, correctrice…

Aujourd’hui une « héroïne » de la « postmodernité » fait tomber sur la tête des grands de ce monde la colère d’une enfant, une colère que nourrit l’Indignation contre la passivité face au réchauffement climatique et autres catastrophes écologiques annoncées. Colère de l’origine !

Greta Thunberg s’impose à la tribune de l’ONU, le 23 septembre 2019 à l’occasion du « Sommet mondial pour le climat » où elle accuse les dirigeants de la planète de lui avoir volé ses rêves et son enfance ; ses mots sont « pleins de rage », relèvent les commentateurs. Elle porte plainte alors auprès du « Comité des droits de l’Enfant » contre cinq pays pollueurs qui ont ratifié la convention de l’ONU sur les Droits de l’Enfant :la France, l’Allemagne, l’Argentine, le Brésil, la Turquie sont visés par la jeune femme.

Fin 2019 de nombreux magazines dans le Monde font alors de Greta Thunberg la personnalité de l’année : La jeune écologiste de 17 ans (elle est née en 2003) est devenue une icône, une mythologie au sens que Roland Barthes donnait à ce terme en 1957. Elle « signifie » plus qu’elle ne parle ou plutôt ce qu’elle signifie est beaucoup plus puissant que ce qu’elle dit.

La carrière militante de Greta est déjà très riche et sa « légende dorée » : de la révélation de sa puissance charismatique au sein de sa famille (qu’elle convertit à l’âge de 15 ans au véganisme) à ses refus spectaculaires de se déplacer en avion, en passant par la « grève scolaire contre le climat » (2018) les épisodes de la Geste sont nombreux et frappent l’imagination, constituant déjà un Récit que son entourage propage. Jusqu’à son handicap –syndrome d’Asperger, diagnostiqué à 11 ans – dont elle réussit à faire un atout, l’origine de ce qu’elle nomme un « super pouvoir » : Sans mon diagnostic, je n’aurais jamais commencé la grève de l’école pour le climat. Parce que j’aurais été comme tout le monde. Nos sociétés doivent changer, nous avons besoin de personnes qui savent sortir des sentiers battus et nous devons commencer à prendre soin les uns des autres. Greta Thunberg proclame ainsi que sa différence neurologique lui donne un fort potentiel politique (comme César dont l’épilepsie était perçu par ses contemporains comme un signe d’élection des dieux).

Mais que nous dit-elle, dans ses discours, lors de ses nombreuses interventions que nous ne sachions déjà ?

Rien.

Elle n’apporte aucun supplément d’information scientifique et pointe l’inertie des hommes politiques pris par le temps court de leurs réélections et que le temps long de la Nature intéresse peu.

Elle ne dit pas grand-chose mais elle montre beaucoup et ce qu’elle montre c’est la Croisade d’une enfant : malgré ses 17 ans son visage reste celui d’une très jeune fille, son apparence juvénile est d’ailleurs aussi « travaillée » que celle naguère d’une autre icône de la juste colère, « l’abbé Pierre », dont Barthes précisément s’amusa à proposer la lecture (la coupe de cheveux, le béret, la cape etc.)

C’est pourquoi la question au fond n’est pas de s’interroger sur son entourage, sur la possible instrumentalisation de ses interventions ou encore de remettre en cause la légitimité de ses actions ; personne ne l’ignore plus, Greta Thunberg est -comme on dit aujourd’hui dans les médias – « clivante ».

Non. L’important c’est de bien comprendre que cette  « mythologie »,  qui s’est constituée en quelques années à peine, nous révèle l’impuissance de la raison à nous ramener à la raison écologique…

Un mythe est une parole (R. Barthes) or ce que dit le mythe de Greta Thunberg c’est la nécessité presque désespérée de mobiliser l’émotion, la passion et le surnaturel pour enfin obtenir des Etats un sursaut de responsabilité dont la colère même de Greta nous rappelle qu’il tiendrait de plus en plus du miracle !

Prochainement : « Pour une philosophie du management ! »

 

 

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