Essor et défis de la finance à impact

Née il y a une vingtaine d’année aux États-Unis, la finance à impact regroupe les investissements dont la recherche de rentabilité s’accompagne de la volonté d’impacter positivement la société et l’environnement. Courant toujours émergent, la finance à impact représente aujourd’hui seulement 1% des actifs financiers sous gestion[1]. L’objectif, énoncé lors du Sommet pour un nouveau pacte mondial de financement organisé en France en juin 2023, est d’atteindre 10% d’ici 2050. Pour y arriver, le secteur va devoir relever plusieurs défis. Décryptage avec Natou Bamba-Colon, formatrice experte IFG Executive Education etfondatrice et directrice générale d’ICG Consulting.

 

La finance à impact est une stratégie d’investissement ou de financement, qui se définit par la recherche, au-delà de sa rentabilité financière, d’un impact positif sur l’environnement. Le concept se distingue ainsi de la finance durable, qui se limite à viser la réduction de l’impact négatif sur les dimensions environnementales, sociétales et de gouvernance (ESG) d’une activité.

 

Développement de la finance à impact

C’est en 2008, avec la création du Global Impact Investing Network (GIIN), que la finance à impact a été définie et qu’un grand nombre d’acteurs du secteur financier se sont fédérés. « Grâce à l’élaboration d’une définition commune et de critères précis et mesurables, la création du GIIN a permis d’embarquer d’autres acteurs, explique ainsi Natou Bamba-Colon. Le prix Nobel attribué en 2006 à Mohamed Yunus et la Grameen Bank a également eu un rôle non négligeable, car il a montré qu’il était possible de faire du crédit avec un impact positif ».

 

Plus récemment, en 2015, l’accord de Paris sur le climat a mis l’accent sur le fait que les acteurs financiers et les entreprises ont un rôle central pour limiter à 1,5°C l’augmentation de la température planétaire par rapport à l’ère préindustrielle. Quant à l’Onu, elle chiffre à au-moins 5 000[2] milliards de dollars de financement annuel nécessaires à horizon 2030 : 40% à couvrir par de l’argent public, le reste par les acteurs privés.

 

Intentionnalité, additionnalité et mesurabilité

La finance à impact s’appuie sur trois piliers précise Natou Bamba-Colon : « l’intentionnalité, autrement dit la volonté de générer un bénéfice social ou environnemental mesurable, l’additionalité qui représente la contribution de l’investissement à l’impact et la mesurabilité de cet impact ».

 

Pour se repérer et mesurer cet impact, il existe de nombreux critères et normes. La spécialiste cite ainsi l’OPIM (Operating Principles for Impact Management), « une norme mise en place par la Société financière internationale (IFC), filiale de la Banque mondiale et plus importante institution mondiale d’aide au développement dédiée exclusivement au secteur privé ». On peut aussi mentionner la GRI (Global Reporting Initiative), une organisation internationale indépendante, qui élabore des directives pour mesurer la performance des actions réalisées par les entreprises soucieuses de diminuer leur impact négatif.

 

Leviers et freins de l’impact investing

La finance à impact permet donc d’associer rendement financier et incidence sociale ou environnementale positive. A la clé : la possibilité de réduire les risques liés aux défis sociaux et environnementaux, de mieux se positionner pour saisir les opportunités de croissance à long terme, ou encore de renforcer sa réputation, en démontrant son engagement vers des pratiques d’investissements responsables. De fait, la finance à impact se révèle ainsi un levier pour fidéliser et attirer de nouveaux clients, voire pour ouvrir la porte à de nouveaux marchés et secteurs d’activité. Les investisseurs peuvent notamment saisir des opportunités dans des domaines tels que les énergies renouvelables, la santé, l’éducation, et d’autres secteurs qui contribuent positivement à la société. Pour les acteurs qui parviennent à s’imposer comme des pionniers, à l’image des entreprises qui ont investi par conviction dans le solaire il y a quelques années, le retour sur investissement peut être très important.

 

Cependant, l’impact investing devrait relever une série d’obstacles pour monter encore en puissance. La directrice d’ICG consulting identifie ainsi plusieurs défis prioritaires : « l’établissement de définitions et de normes communes, mais également l’amélioration de la mesure de l’impact social et environnemental des investissements – pour ainsi répondre aux craintes que les critères extra-financiers ne viennent compromettre les rendements financiers, notamment à court et moyen terme ». De même, des incitations fiscales et financières, ainsi qu’une meilleure sensibilisation aux enjeux environnementaux et sociaux participerait certainement à l’essor du financement à impact. On peut aussi citer le développement auprès d’un cercle toujours plus large de produits financiers innovants, tels que les obligations vertes, les prêts à impact social et les fonds d’investissement durables, afin d’offrir une gamme plus large d’options.

 

Reste désormais aux gouvernements, institutions financières, investisseurs, entreprises et particuliers de promouvoir et saisir ces différents leviers pour contribuer, chacun à leur mesure, à une transition juste et durable.

 

[1] https://www.convergences.org/wp-content/uploads/2023/08/BFI-2023_FR-min.pdf

[2] https://news.un.org/fr/story/2023/09/1138742

 

Retour en haut

Télécharger la brochure