Retrouvons l’usage de la Parole !

RETROUVONS L’USAGE DE LA PAROLE !

Par Eric COBAST, Directeur de l’Académie de l’Eloquence

En enseignant l’art de comprendre et de se faire comprendre, d’argumenter, de construire, d’écrire et de parler, la rhétorique permettait d’évoluer avec aisance dans la société et de dominer par la parole. C’est à son école que se formaient les hauts fonctionnaires, les magistrats, les officiers, les diplomates, les dignitaires de l’église, en un mot, les cadres. La rhétorique assurait une formation libérale, c’est-à-dire une formation professionnelle à long terme.  Michel Meyer, La rhétorique.

Socle de la formation du jeune romain – premier des sept arts qu’il faut maîtriser dans le cursus scolaire – l’Eloquence a disparu de nos enseignements, en France, depuis 1890, victime collatérale de la Guerre que mène l’Etat pour imposer la laïcité sous la troisième République (les jésuites, depuis le XVIIème en avait fait un enseignement d’excellence). Les épreuves écrites s’imposent dans les examens et les concours pour évaluer lycéens et étudiants, « l’oral » devient secondaire et s’il importe, il faut le signaler par l’adjectif « grand » pour qu’on y accorde attention et valeur.

Aujourd’hui – et depuis très peu de temps- on note un regain d’intérêt pour cette Eloquence perdue qu’on célèbre par exemple à travers des Concours d’Eloquence dans les Universités ou les Grandes Ecoles, des films de cinéma – « Le Brio » – ou encore des émissions de télévisions. Mais bien au-delà de ces manifestations de curiosité (ou d’opportunisme) la parole, son maniement, les pouvoirs qu’on lui retrouve constituent un vrai sujet, dans le cadre de l’Ecole mais surtout de l’Entreprise. Une parole aisée, dominée, consciente de ses effets s’avère un atout, une compétence moins « soft » qu’on ne pourrait à première vue le penser.

 Bénéficiant du recul de l’écrit, l’oral réinvestit l’Ecole, avec ce Grand oral du nouveau BAC et l’abandon par de nombreuses institutions des épreuves écrites dans leur processus d’admission. Place au « pitch », à la « prise de parole », à l’échange verbal avec un jury, voire au débat contradictoire…Au sein des Organisations, on sait bien que des carrières se jouent, se gagnent ou se perdent en fonction de l’aptitude des uns ou des autres à manier les signes, à décrypter les symboles du non verbal ou encore à inspirer et motiver une équipe dans l’action.


Dans ce contexte se multiplient les « conseils », les programmes en tous genres, les publications d’inégales valeurs : on s’y perdrait. Ce foisonnement révèle qu’il s’agit bien de la découverte d’un véritable « filon », au sens premier du terme ou, sans métaphore, de l’identification d’un nouveau besoin : nous semblons vouloir retrouver « l’usage de la parole » ! Si l’Ecole va devoir s’adapter, prendre en charge et finalement réinventer un enseignement de la rhétorique, de nombreux organismes de formation continue proposent déjà des programmes dédiés à la prise de parole dans le cadre du monde du travail. Mais leur efficacité est souvent difficile à évaluer, le déroulé de la formation est parfois trop vague, et la perception même de ce que nécessite l’enseignement et l’utilité de l’Eloquence hésite entre un effort sur le corps et la respiration qui tire ensuite vers le travail d’acteur, voire la sophrologie et une application des techniques de plaidoirie en dehors du prétoire. Tous ces exercices ne sont pas sans intérêt, ni sans bénéfice pour les participants mais ils ne répondent pas nécessairement aux besoins concrets.

Pour y voir plus clair, je vous propose d’examiner ce que l’on doit pouvoir attendre d’une formation efficace, ce qui est une manière aussi de rappeler l’importance de l’éloquence dans nos organisations.

  • Une formation utile doit prendre en compte la complexité, la diversité des situations dans lesquelles il s’agit de « prendre la parole ».

Complexité d’un exercice qui demande à la fois le contrôle du verbal et du non verbal, de ce que l’on dit et du corps qui incarne cette parole : l’art de bien parler associe la maîtrise de la langue, du pouvoir suggestif et poétique des mots, de tous les procédés d’expression, à la capacité de se « faire entendre » (l’élocution, les silences, l’interprétation) et aussi à toute la gestuelle (mouvements des parties du corps, déplacements…) voire la « mise en scène » qui accompagnent votre intervention.

Diversité des situations : Rien de vraiment comparable entre un exposé devant un auditoire de plus de 50 personnes, une présentation autour d’une table où siègent une douzaine de collaborateurs, avec ou sans support, un débat ou simplement une discussion au cours de laquelle il faut défendre son point de vue, ou encore un entretien. Comment préparer avec soin une présentation bien « construite » ? Comment se préparer à improviser ?

  • Une formation utile ne peut se contenter d’énoncer des généralités ou des évidences. Un exemple :

Je découvre, en examinant sur le net la diversité des offres, tel « coach » qui énonce malicieusement qu’une prise de parole efficace doit obéir à la loi des 4 « C »… Suspense… On attend que l’ingénieux procédé mémotechnique révèle ses recettes :

 Il faut faire Court, Clair, Cohérent, Concis…Certes !

Qui conseillerait de préparer une intervention Longue, Obscure, Décousue et Verbeuse ? Qu’apporte vraiment cette loi des 4 « C » à celui à qui on l’énonce ? On peut expliquer pourquoi il est préférable d’être bref – l’attention de l’auditoire est volatile et ne saurait être trop longtemps sollicité – mais après ? C’est loin de suffire si on n’explique pas « comment » parvenir à cette brièveté, cette concision de l’expression.

 Que le propos soit cohérent ? Evidemment mais on la façonne « comment » cette cohérence ?

 Toutes les formations proposent de répondre à la question « Que faire ? » C’est insuffisant, il faut aussi résoudre le « Comment faire ? », exemples et exercices à l’appui.

  • Une formation utile doit consacrer enfin à la pratique les trois quarts du temps disponible.

Le tout avec des captations vidéos en renfort toutes les fois que cela est possible, afin que chacun puisse « voir » ses difficultés mais aussi ses progrès et ses réussites. Les nombreux exercices et mises en situation étant toujours accompagnés de commentaires et de décryptages, mais aussi précédés d’explications et de mises en perspective historiques ou linguistiques pour que chaque consigne soit clairement justifiée. Il ne faut prodiguer aucun conseil qui ne soit compris et fondé.

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