Les mots qui font l’actu…

LES MOTS DU CONFINEMENT

 

1. Distanciation sociale :

L’actualité impose ses formules. Difficile ainsi depuis quelques semaines d’échapper à une expression singulière : « distanciation sociale », une expression qui dérange plus qu’elle n’arrange vraiment les politiques qui l’emploient et qui lui préfèrent : « distance spatiale » :

Ainsi le 14 mars 2020, le Premier ministre français affirme que «la meilleure façon de stopper la propagation de l’épidémie, c’est la distanciation spatiale»,il ajoute comprendre que «ce terme nous rebute». Pourtant, en réalité c’est une très bonne formule que cette « distanciation spatiale».Mais hélas, c’est l’adjectif «sociale» et la traduction anglaise qui l’ont emporté dans l’usage …En effet :

Ce serait dès octobre 1918 lors de la pandémie de grippe espagnole que, dans le Missouri, à Saint Louis précisément, le médecin Max C. Starkloff aurait mis en œuvre le principe de «social distancing», interdisant notamment les rassemblements de plus de vingt personnes. « Distanciation sociale » est la traduction paresseuse de cette formulation.

L’expression est désormais retenue pour désigner certaines mesures non pharmaceutiques de contrôle des infections prises par les responsables de la santé publique pour arrêter ou ralentir la propagation d’un virus.

L’objectif de la distanciation sociale est de réduire la probabilité de contacts entre les personnes porteuses d’une infection et d’autres personnes non infectées, de manière à réduire la transmission de la maladie, en l’absence de tout vaccin, ou de tout traitement préventif ou curatif.

Pour nous qui, ici, ne nous intéressons qu’aux mots « distanciation sociale » soulève deux difficultés :

  • D’une part, ce mot de « distanciation » n’existe pas vraiment en français. C’est un néologisme employé au théâtre pour désigner une technique imaginée par le dramaturge (et metteur en scène) Bertold Brecht : Verfremdungseffekt, tel est le mot forgé en effet par l’auteur de  Mère Courage et ses enfants  sur la racine  fremd, étrange, étranger, inconnu. Il s’agit de forcer le spectateur à « prendre du recul » par rapport au spectacle auquel il assiste et le conduire ainsi à réfléchir, à penser la situation qui lui est représentée, non à la ressentir.
  • D’autre part, l’expression est très ambigüe et c’est pour cela que le premier ministre n’en veut pas. Et il a parfaitement raison ! Revenons au mot « distance » et au verbe latin stare, car c’est en partant de cette racine que se construisit distare, le préfixe di indiquant ici la séparation. Di-starec’est bien : en étant éloigné, di-, se tenir debout, stare. Sur ce distare vint naturellement le substantif distantia, à l’origine du français distance, attesté en français depuis 1223, en tant qu’écart, intervalle, longueur qui sépare une chose d’une autre, espace qui sépare deux personnes. L’idée de « distance » associe donc deux éléments :

L’espace / l’intervalle          Et          La séparation / l’éloignement

Ce n’est donc pas à proprement parler le mot « distance » ou de « distanciation » qui pose problème, mais bien le qualificatif « social » associé à l’idée de « séparation », d’éloignement entre les citoyens et notamment dans le contexte d’une mobilisation nécessaire de tous. Difficile d’en appeler à la fois à la distance et à la solidarité ! Le sens propre glisse sur le sens figuré !

 

2. Proxémie :

Pourtant sur le plan de la « distance sociale » au sens rigoureux, au sens spatial du terme, nous définissons notre sociabilité par une certaine façon d’occuper l’espace, autant l’espace physique que symbolique.

C’est ce qu’étudie la « proxémie », notamment les travaux de Palo Alto, et plus spécifiquement à l’ouvrage de E. Hall « La dimension cachée » (1971), qui traitent de la perception humaine de l’espace social et personnel. Selon l’auteur, les sentiments réciproques éprouvés par deux interlocuteurs constituent un déterminant majeur dans l’élaboration des distances.

En fait, notre façon d’occuper l’espace en présence d’autrui est un des marqueurs de notre identité et de la nature des relations que nous entretenons avec lui.
Hall a montré qu’il y avait autour de nous une surface, « une bulle », une zone émotionnellement forte ou encore un périmètre de sécurité individuel. Celui-ci est plus important en face de nous que sur les côtés ou par derrière. On peut parler de notion de bonne distance.

La dimension de cette bulle personnelle varie selon les cultures. Elle est plus ample dans les pays occidentaux que dans les pays méditerranéens. Hall met ainsi en évidence quatre types de distance (à noter que ces résultats ont été obtenus à partir de sujets anglo-saxons, pour des sujets latins il conviendrait de réduire les distances d’une bonne vingtaine de centimètres) :

La distance intime (entre 15 et 45 cm) : zone qui s’accompagne d’une grande implication physique et d’un échange sensoriel élevé.

La distance personnelle (entre 45 et 135 cm) : est utilisée dans les conversations particulières.

La distance sociale (entre 1,20 et 3,70 m) : est utilisée au cours de l’interaction avec des amis et des collègues de travail

La distance publique (supérieure à 3,70 m) : est utilisée lorsqu’on parle à des groupes.

La distance va être différente selon l’image que l’on se fait de l’autre.

Par exemple : Différentes expériences ont notamment montré que l’on se place plus loin d’une personne atteinte de handicap.

Aussi, se place-t-on plus loin d’une personne si l’on est préalablement avertie qu’elle est plutôt froide et inamicale, comparativement à une personne que l’on nous a préalablement décrite comme chaleureuse et amicale.

Les distances d’interaction varient également selon les statuts de l’interlocuteur. En effet, on se place plus loin d’un supérieur ou inférieur hiérarchique que d’un pair.

A l’évidence une distance « spatiale » construit bien nos relations sociales.

 

3. Quarantaine :

La « distanciation sociale » est un procédé aussi ancien que les premières grandes épidémies connues. La plus vieille de ces mesures prises pour empêcher la propagation de la peste ou du choléra est sans doute la « mise en quarantaine » que nous pratiquons encore aujourd’hui, la rebaptisant « quatorzaine », ce qui donne parfois de curieuses déclarations dans la bouche de tel journaliste : « les passagers en provenance de Chine ont été placés quatorze jours en quarantaine… »

Le mot est apparu au XIVème siècle, dérivé de l’italien quaranta.

On prend alors l’habitude d’isoler, de séparer les sujets suspectés d’être atteints d’une maladie contagieuse. La quarantaine est une précaution, alors que l’isolement sera imposé aux malades avérés.

Pourquoi quarante jours ?

La tradition remonte à Hippocrate qui enseignait qu’un espace de quarante jours, au plus, étaient nécessaire pour que se déclarât une maladie. Le choix des « quarante jours » reste encore aujourd’hui assez mystérieux. On attribuait depuis Pythagore des vertus magiques au chiffre 4…On peut raisonnablement penser qu’un délai de quatre jours pouvait sembler trop bref, quatre cents jours en revanche c’était beaucoup trop long. Quarante fut sans doute un compromis.

Cette période de 40 jours, nécessaire à toute purification, fut adoptée par les premiers textes chrétiens (le jeûne de 40 jours de Jésus-Christ dans le désert).

Le bâtiment où vont être « confinés » les voyageurs en quarantaine prend le nom de « Lazaret », le premier est bâti au large de Venise en 1403.

Le dispositif de « distanciation sociale »  est évidemment très varié : fermeture d’école, fermeture de lieux de travail, isolement, confinement, annulation de rassemblements de masse tels que les manifestations sportives, les films et les spectacles musicaux ,arrêt ou la limitation des transports en commun, salutation par le coude (au lieu de la poignée de main ou de la bise pour saluer) etc.

Et puis, il en reste une, un peu particulière, aux connotations plus politiques que sanitaires :

 

4. Cordon Sanitaire :

Un cordon sanitaire est un espace contrôlé en vue de surveiller les accès à une zone où sévit une épidémie.

En 1821, la France envoie trente mille soldats fermer la frontière avec l’Espagne. Officiellement, il s’agit d’empêcher une épidémie de fièvre jaune qui sévit à Barcelone de franchir les Pyrénées, et c’est à cette occasion que le mot « cordon sanitaire » est employé pour la première fois.

En réalité, ce sont surtout les idées libérales en provenance de l’Espagne qu’il s’agit d’arrêter pour empêcher leur propagation à travers la France de Louis XVIII.

Les mesures de santé publique servent parfois de paravent à des décisions politiques…

 

5. Zoonose :

Covid 19, soupçon de zoonose !

Qu’est-ce à dire ?

Au XIXème siècle Rudolf Virchow forge ce néologisme sur zôon, l’animal et nôsos, la maladie, en grec. Le mot va désigner alors ces maladies qui se transmettent de l’animal à l’homme. On va découvrir alors que 75% des maladies humaines sont « zoonotiques ». On pense à la rage, plus récemment à la grippe aviaire. Les zoonoses sont en augmentation parmi les maladies émergentes. C’est une des conséquences par exemple de la déforestation massive de la planète qui « libère » des espèces animales jusque- là inconnues ou rarement fréquentées.

Le Covid19 est-il zoonologique ? transmis à l’homme par la chauve-souris ou le pangolin ? Ou bien est-il le produit d’expérimentation de laboratoire ?

 

6. Pangolin :

On l’appelle aussi le fourmilier écailleux, il vit dans les régions tropicales et équatoriales d’Afrique et d’Asie du Sud Est. Son nom signifie en malais « celui qui s’enroule », car c’est ainsi qu’il se protège. Il ressemble en fait à un tatou. Il est assez laid : des écailles et des poils qui poussent entre ces écailles…une très longue queue de 80 cm et une langue collante pour engluer les insectes d’environ 30 cm…Très vilain mais pas méchant…enfin, pas méchant jusqu’à ce qu’on lui impute la transmission vers l’homme de Covid 19…Mis un peu trop rapidement en examen, le pangolin serait en passe d’être innocenté, il n’en demeure pas moins un vecteur important de nombreux coronavirus susceptibles d’évolutions zoonotiques (voir supra !). La vente du pangolin est interdite sur les marchés mais pas pour des motifs sanitaires. Le pangolin est plus menacé qu’il n’est menaçant :il s’agit du mammifère le plus braconné au monde. Il fait l’objet d’un incroyable trafic d’écailles, de viande : Un pangolin est tué toutes les cinq minutes. Sa disparition entraînerait une fragilisation de l’écosystème. De fait dans de nombreuses cultures asiatiques (notamment en Chine) le pangolin est doté de très nombreuses vertus ( ses écailles sont par exemple utilisées pour remédier aux problèmes d’articulation, de lactation, d’asthme et de cancer), il est même parfois « totémisé ».

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