Les mots qui font l’actu…

DANS LE SILLAGE DE LA CRISE SANITAIRE…

 

Encore quelques retombées dans notre vocabulaire quotidien de cette « crise » sanitaire que nous venons de traverser… à commencer d’ailleurs par le mot crise, précisément…Mais nous devons vivre désormais quotidiennement avec sur le visage un masque, et faire preuve aussi de résilience – à l’invitation du Président de la République. La société de demain devra être aussi une société où prévaut le care …surtout pour le plus grand profit de nos aînés.

 

1. Résilience :

De l’anglais « resilience », « rebondir ». Mais en français et dans le cadre très spécialisé de la mécanique, le mot désigne une propriété physique des matériaux, celle qui consiste à retrouver sa forme initiale après avoir été comprimé ou déformé. Dans le domaine de la psychologie, il s’agit d’une très grande résistance psychique aux drames de l’existence. On évoquera enfin la résilience d’un système pour sa capacité à la réorganisation après avoir subi une grave perturbation.

C’est Boris Cyrulnik qui donnera à l’expression sa portée médiatique quand il va étudier les effets de l’épreuve des camps de la mort sur les sujets qui les ont vécus, qui ont survécu.

Attention, la résilience, ce n’est pas l’oubli. Ce dernier efface « tout » alors que la résilience redonne forme.

Nous sommes inégaux devant les chocs, les coups ou les traumatismes. Certains y retrouvent l’action de la sérotonine qui joue un rôle déterminant dans la régulation de l’humeur, de l’agressivité, etc.

Dans tous les cas le mot ne s’emploie pas à la légère car il suppose des circonstances extraordinairement dramatiques Trop souvent un usage hyperbolique en limite la portée.

 

2. Masque :

Qu’on le nomme FFP2, comme un droïde échappé de Star Wars, à bec de canard, avec valve ou sans valve, qu’il soit jetable ou bien encore lavable…il nous est redevenu familier ce « masque » … mais bien loin de l’environnement festif et carnavalesque qu’on lui connaissait naguère.

Le mot dérive du latin « masca », la sorcière, le spectre, le démon mais il trouve une racine plus ancienne encore qui le rattache au noir. Les plus anciens déguisements consistaient tout simplement à se noircir le visage pour effrayer.

Le masque est donc un faux visage, déformé par la pâte à papier où le bois qu’on a sculpté, ou encore voilé de tissu noir, effacé, barré, interdit.

Le masque dissimule et protège à la fois, l’un ne peut aller sans l’autre…Il a la même action que la couverture ! Qui cache et qui réchauffe. Il s’inscrit alors dans ses stratégies de disparition qui sont des formes de protection. Le salut dans la dérobade.

Enfin, et ce n’est pas là le moindre de ses effets : le masque fige les traits, il immobilise la vie, il efface le visage, fait du sujet un objet, d’une conscience, une chose…

Attention si désormais le port du masque devient « obligatoire »…

 

3. Aînés :

Que d’euphémismes pour éviter de dire la vieillesse, le vieillissement, les vieux !

On est passé par « l’âge »… le troisième, le quatrième… par la dépendance, la petite et la grande.

Aujourd’hui on entend beaucoup dire « nos aînés » et pas seulement dans les medias. Ce qui signifie seulement qu’ils sont nés ces aînés avant nous – ante natus,–  comme d’autres sont nos puînés, post natus. Mais l’expression ramène aussi au sens perdu de la famille, tout en entretenant un élément d’étrangeté puisque c’est dans le cadre de la fratrie et non celui de la parentèle que l’ainesse est généralement revendiquée. Retour donc à la communauté puisque la société manque à ses obligations.

L’image est chaleureuse quoique tout de même un peu trop naïve – la grande famille du genre humain ! -, ce qui explique aussi parfois qu’en abuser puisse irriter !

 

4. Care :

C’est le soin mais au sens du souci, de l’attention et non du soin médical qui soigne – to cure. On traduit le mot en français par « sollicitude », un mot sans aucune connotation péjorative et qui est le cœur-même du « vivre ensemble ».

La société du care à laquelle on voudrait que ressemble un jour le « monde d’après », c’est une société où chacun prend soin, se préoccupe, s’intéresse à l’autre, le voisin, le prochain, le semblable de Baudelaire, son frère…

Le caring commence certes par « l’aide à la personne », dans tous les sens du terme mais il est aussi attentif à la vulnérabilité des êtres, leur fragilité sanitaire, sociale, morale, affective…Plus qu’une simple attitude, le caring est une philosophie qui implique la politique, l’économie, la sociologie. C’est une « éthique de la sollicitude » qui vise à transformer chacun en un « aidant », bénévole ou professionnel.

La crise sanitaire a donné l’occasion que se manifeste cette prise de conscience qui vient du monde anglo-saxon et qui est une réponse à l’individualisme libéral, un mouvement de pensée qu’incarnent Joan Tronto et Berenice Fisher, un appel à l’action sociale que font entendre par exemple en France des philosophes ( Sandra Laugier, Pascale Molinier) ou encore le médiatique sociologue Serge Guérin.

 

5. Crise :

Du grec krinein, juger, discerner, séparer.

Krisis appartient au vocabulaire de la médecine. Le mot désigne le moment de vérité de la maladie.

Lorsque celle-ci se déclare par des symptômes, il devient alors possible de l’identifier. Ce moment de vérité est ainsi un moment de visibilité. La crise est donc souhaitable dans la mesure où elle est une étape décisive vers la guérison. C’est la crise en effet qui me fait savoir que je suis malade.

C’est donc bien une métaphore qui habite encore aujourd’hui l’usage commun du mot crise.

Dire d’une société qu’elle est en crise, c’est avancer qu’elle est malade, c’est supposer un état de bonne santé perdu, bref une norme et par conséquent des valeurs.

 

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