Les Chroniques de l’IFG, « Le Temps des Transitions »

Découvrez la première « Chronique de l’IFG Executive Education », Institut spécialisé en Management Stratégique des Transitions, écrite par Eric Cobast. Agrégé de lettres modernes et de philosophie, Eric Cobast est également Directeur de l’Académie de l’Éloquence de l’IFG Executive Education.

Le Siècle des Lumières… l’Age Classique… l’Ere du Vide… Nous aimons bien d’une formule appréhender une période de l’Histoire en la nommant d’un élément d’idéologie qui nous paraît la caractériser. Ces dernières décennies pourraient ainsi, par exemple, trouver leur unité sous un intitulé qui ressemblerait à une expression du type :

Le Temps des Transitions.

De fait, nous n’avons jamais autant décliné ce mot, « transition », et ce dans tous les registres, souvent simplement pour dire le changement et s’assurer qu’il ne soit pas brusque, ni violent :

Transitions démocratiques, transition énergétique, transition démographique, transition écologique, transition numérique …Au pluriel, au singulier …Ce sont des états, des populations, des sociétés, des organisations qui en sont les théâtres…Toutes ces transitions proclamées, voire instituées, nous disent-elles pour autant la même chose ? Que nous apprennent-elles, par exemple, de notre modernité ?

Le terme est ancien et naguère plutôt connoté péjorativement. A l’Ecole, les classes de « transition » créées pendant la période 1963-1977 étaient destinées à des élèves en difficulté, les périodes dites de transition sur le plan politique étaient fréquemment perçues comme des moments d’instabilité, le gouvernement pouvait y être « provisoire » et les mesures prises « transitoires », destinées donc à ne pas durer.

Pourtant les transitions sont alors également perçues comme utiles, mais dans d’autres contextes. Le présentateur du journal télévisé, passant brusquement d’un sujet à un autre, sans aucune forme de logique, prévient : « Sans transition », dit-il, comme pour s’en excuser. De leur côté les étudiants quand ils dissertent à l’écrit savent bien la nécessité des transitions dans une « copie » : on ne passe pas brusquement d’une idée à une autre, sans mettre en péril le raisonnement et la logique de l’argumentation.

Dans tous ces cas, la transition c’est le « passage » d’un état à un autre. Le préfixe latin, trans, signifie à lui seul ce passage : passage d’un lieu à l’autre, passage à travers, passage outre, voire au-delà. C’est sa très grande richesse de significations qui explique la variété des emplois du mot « transition ». La racine ire, « aller », ne fait que souligner en l’amplifiant l’idée du mouvement.

La Modernité occidentale qui se définit et se contemple dans le miroir du mouvement et du devenir s’empare du terme « transition » pour expliquer la manière dont elle réalise son histoire.

C’est ainsi que de nombreuses transitions démocratiques apparaissent dans le monde à mesure que se propage la démocratie libérale – celle-ci ne pouvant être décrétée brutalement, ne serait-ce que parce ce que son fonctionnement vertueux implique un Peuple libre et éduqué, que Michel Serres appelait le « Tiers Instruit ». C’est ainsi que peu à peu les populations sont de plus en plus nombreuses à vivre les différentes phases de leur transition démographique, phénomène que l’Institut National d’Etudes Démographiques (INED) définit simplement :

Passage d’un régime traditionnel où la fécondité et la mortalité sont élevées et s’équilibrent à peu près, à un régime où la natalité et la mortalité sont faibles et s’équilibrent également.

Sauf que la natalité diminuant moins vite que la mortalité, cette transition met un certain temps, très variable : Deux siècles en Suède, soixante ans en Corée du Sud.

Avec l’essor de l’Ecologie, notre Modernité formule une nouvelle nécessité : non plus décrire une évolution (politique ou démographique) mais chercher à la provoquer.

 La transition écologique, pilotée par un Conseil National de la Transition Ecologique créé en 2012, qui consiste à faire évoluer la société vers un nouveau modèle de développement économique et social, est commandée par le changement climatique, la raréfaction des ressources et la disparition accélérée de la biodiversité. Elle doit donner à l’action publique moderne son sens. Elle est prescrite et non décrite. La Modernité trouve alors dans cette idée de transition bien plus que la direction où conduit son histoire, la signification de son devenir.

(à suivre)

La semaine prochaine : « La transition énergétique : Mythe ou réalité ? »

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