« Culture chez vous », 10 romans cultes du XXème siècle

 

Trois semaines de confinement annoncées, c’est le temps qu’il nous reste pour découvrir l’un de ces dix romans cultes du XXème siècle. Ce sont des œuvres denses et souvent volumineuses, difficiles à résumer, à l’écriture singulière dont la lecture réclame temps et disponibilité…c’est très précisément le luxe dont nous disposons encore !

Tout d’abord…Qu’appelle -t-on un roman culte ?

La pop culture nous a habitué à ces expressions Film Culte ,Série Culte, Jeu Culte qui désignent des œuvres auxquelles un public – pas nécessairement nombreux – voue une adoration illimitée, cherchant à acquérir toute la littérature autour de ces œuvres, les « goodies » et autres figurines, les différentes versions disponibles, allant jusqu’à créer des « groupes », « des sites dédiés, des « clubs » ou des associations où les « fidèles » célèbrent le culte de leur série/ film/ jeu/ personnage/ Comics préférés.

Les sociologues se sont concentrés sur l’idée de trouver une définition d’une œuvre culte qui ne passerait pas par le contenu de l’objet culturel.

Cette définition se veut constructiviste, c’est-à-dire qu’elle affirme qu’il n’y a pas d’œuvres cultes, il n’y a que le culte des œuvres. Ceci établi, on peut dégager quatre critères :

  1. L’œuvre culte est le résultat d’un verdict par lequel un individu ou un groupe désigne une œuvre qui n’est pas seulement belle ou agréable mais offre des ressources identitaires fortes.
  2. Cette œuvre est susceptible de rassembler autour d’elle des groupes qui en font le cœur de leur lien.
  3. Ces groupes peuvent prendre des tailles diverses, soit limités à un happy few de connaisseurs, soit à une génération ou à un groupe social particulier qui va faire de cette œuvre un emblème.
  4. La manifestation concrète du culte se traduit par des pratiques et des performances ritualisées (Pour la littérature, cela prend volontiers la forme d’associations du type « Les amis de … », d’expositions, de la création de petits musées sur les lieux où vécut l’écrivain etc.).

Les romans font aussi l’objet de cultes, plus discrets…Ils opèrent comme de subtils signes de reconnaissance et sécrètent une délicate communauté d’amateurs. Ce sont des textes qui rapprochent ceux qui les aiment en révélant leurs affinités électives. Stendhal écrit : « To the happy few ».

 

Voici les dix chefs d’œuvre qui au cours de mon existence m’ont découvert tant d’amis inconnus (pas de classement cette-fois, chaque œuvre est un précieux talisman) et que je souhaiterais partager avec vous :

 

La Conjuration des imbéciles – John Kennedy Toole

L’auteur, s’est suicidé en 1969, lassé d’avoir vainement essayé de publier son roman, qui fut couronné à titre posthume par le prix Pulitzer en 1981.

 Années 1960 à la Nouvelle Orléans : Ignatius est un étudiant médiéviste, hypocondriaque et misanthrope qui abhorre la société américaine et ses travers.

 Sa confrontation avec le monde du travail et ses contemporains est un véritable choc.

 

Au-dessous du volcan – Malcolm Lowry

Errances alcooliques, le jour de la fête des Morts, le 2 novembre 1938, du Consul britannique, Geoffrey Firmin dans la ville mexicaine de Cuernavaca.

Œuvre symboliste, à l’écriture tourmentée, à la structure disloquée…Firmin est travaillé par un terrible remords, un crime de guerre dont il a été l’auteur lors du premier conflit mondial.

 

Ulysse – James Joyce

Réécriture cultissime de L’Odyssée : le roman relate les pérégrinations d’un nouvel Ulysse (Léopold Bloom) et d’un nouveau Télémaque parti à sa rencontre, Stephen Dedalus. A travers Dublin, le 16 juin 1904 : les dix années du périple d’Ulysse condensées en quelques heures !

Toutes les écritures, tous les genres littéraires sont convoqués dans une œuvre fleuve, provocante et expérimentale (interdite de publication aux Etats Unis pendant de nombreuse années, sous l’accusation d’obscénité)

 

Le Maître et Marguerite – Mikhaïl Boulgakov

Conte fantastique et philosophique mais aussi texte poétique, politique (critique de l’Union Soviétique), à la structure complexe (Trois actions interagissent) qui relate les aventures de Satan à Moscou dans les années 30. Une pure démonstration de burlesque (parler avec légèreté, fantaisie et humour de sujets graves).

Jubilatoire et bourré de charme.

 

La mort de VirgileHerman Broch

Récit des derniers jours du poète Virgile à Brindisi. Virgile tente d’obtenir d’Auguste que ce dernier le laisse détruire le texte de l’Enéide.

Une belle méditation sur l’Art et le sens de l’existence.

 

Sur les falaises de marbre – Ernst Jünger écrit et publié en 1939.

C’est le premier des grands romans de l’attente (Le Désert des Tartares, Le Rivage des Syrtes), l’attente de la destruction de la Civilisation par les barbares. Le Grand Forestier, Hitler ? Staline ? menace La Marina de dévastation…Là on attend la catastrophe.

Publié alors que les nazis sont au pouvoir, ce texte est une critique extrêmement virulente contre le régime.

 Hitler ne réagit pas, laissant à celui qui fut un héros de la première guerre, le bénéfice du doute.

 

La Mort à Venise – Thomas Mann

Trinité crépusculaire : la beauté, l’amour, la mort. La mort à Venise, c’est celle de l’écrivain Gustav von Aschenbach, par fasciné le jeune Tadzio et qui se laisse mourir du choléra sur une plage du Lido.

Il s’agit d’ailleurs d’une longue  « nouvelle » plutôt que d’un roman.

Par ailleurs Thomas Mann est aussi l’auteur d’une véritable somme romanesque intitulée La Montagne Magique, roman dans lequel un sanatorium figure la société d’entre-les-deux-guerres.

 

Le Siècle des Lumières – Alejo Carpentier

La Révolution française vue des Caraïbes, et la biographie romancée du « Robespierre » des Antilles, Victor Hugues, personnage bien réel au destin fascinant.

L’écriture et la construction sont d’une modernité étonnante. Carpentier, proche des surréalistes, illustre au propre comme au figuré ce que Breton appelle « l’explosante fixe », cette beauté convulsive, dont le peintre à quatre mains Monsu Desiderio a fait sa principale inspiration.

Un très grand roman historique où se mêlent fiction et érudition.

 

Cent ans de solitude – Gabriel Garcia Marquez

C’est le grand roman de la littérature ibéro-américaine, rédigé en 1965 et publié deux ans plus tard en Argentine.

Sept générations dans la famille Buendia dans la ville imaginaire de Macondo et qui traversent un siècle d’histoire colombienne

Garcia Marquez promeut la conception de ce qu’il appelle le « réalisme magique » grâce auquel coexistent le roman historique et le surnaturel.

 

Tristesse et Beauté  – Yasunari  Kawabata

Retour à Kyôto d’un écrivain de renom, retour sur son passé, retour sur ses amours d’hier.  Il retrouve Otoko, celle qu’il aimait mais qu’il avait naguère abandonnée. Elle est devenu un peintre célèbre et vit désormais avec sa disciple, Keiko, une jeune fille d’une stupéfiante beauté qui veille jalousement sur Otoko et s’apprête à la venger.

Un récit étrange, tissé de subtiles ambiguïtés, à l’érotisme singulier. Une prose limpide.

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