« Culture chez vous », 10 livres qui ont marqué la littérature d’idées

Voici dix essais qui ont marqué (à mon avis) ces dernières années la littérature d’idées.

 

Pour aborder cette dernière liste des temps de confinement, je me suis imposé de renvoyer à des textes récents (ou assez récents) qui trouvent dans notre actualité un écho intéressant.

Parfois la réflexion engagée paraît sombre…N’oublions pas que c’est un philosophe, Arthur Schopenhauer, qui forge le néologisme « pessimisme »… n’oublions pas davantage qu’il répond au mot « optimisme », vulgarisé par Voltaire au siècle précédent, inspiré par Leibniz et surtout Alexander Pope.

Toutefois j’ai souhaité à dessein terminer par un formidable essai, dont la lecture est « roborifiante » et qui tranche avec des tendances « déclinistes » ou catastrophistes contre lesquelles, selon mon point de vue, il faut lutter. Ne pas oublier que nous héritons de ces formidables « Lumières » de la raison, c’est bien ce que nous rappelle avec talent Steven Pinker dans un ouvrage que je vous invite vraiment à découvrir, « Le Triomphe des Lumières ».

 

Les luttes de classes en France au XXIème siècle, Emmanuel Todd (Seuil, 2020)

C’est « tout chaud », tout récent …le dernier Emmanuel Todd. …comme souvent dérangeant, un peu provocateur mais intelligent et très argumenté. J’ai par le passé beaucoup apprécié « Après l’Empire » ou « Après la démocratie », textes où chacun trouvera à la fois accords et désaccords mais que, par la suite, les évènements ont souvent partiellement confirmé. Ce dernier livre propose de revenir sur nos années politiques 1992-2019 « où se côtoient et s’affrontent des dominés qui se croient dominants, des étatistes qui se croient libéraux, des individus égarés qui célèbrent encore l’individu-roi, avant l’inéluctable retour de la lutte des classes » (E. Todd). Notre histoire immédiate, chiffres, cartes et statistiques à l’appui.

 

Le miroir et la Scène, Myriam Revault d’Allonnes (Seuil, 2016)

« Le théâtre est l’art politique par excellence » écrit Hannah Arendt dans « La condition de l’Homme moderne » Myriam Revault d’Allonnes qui relit systématiquement d’ouvrage en ouvrage l’œuvre de la grande philosophe allemande prend celle-ci au mot et analyse sur la scène politique les scènes du politique. Il y est question évidemment de la représentation. Supplément d’être ou bien perte progressive de consistance ? Mise à distance salutaire ou bien divertissement dérisoire ?

Les grands textes sont là, de Hobbes à Rousseau, pour penser sinon la comédie ou la tragédie du pouvoir – ce serait beaucoup concéder – : plutôt leur pantomime.

Un texte qui se lit vraiment sans difficulté mais à la condition d’être un petit peu familier de l’histoire des idées politiques.

 

Accélération, une critique sociale du temps, Harmut Rosa (La Découverte, 2013)

Présentation de l’Editeur :

« L’expérience majeure de la modernité est celle de l’accélération. Nous le savons et l’éprouvons chaque jour : dans la société moderne, « tout devient toujours plus rapide ». Or le temps a longtemps été négligé dans les analyses des sciences sociales sur la modernité au profit des processus de rationalisation ou d’individualisation. C’est pourtant le temps et son accélération qui, aux yeux de Hartmut Rosa, permet de comprendre la dynamique de la modernité.
Pour ce faire, il livre dans cet ouvrage une théorie de l’accélération sociale, susceptible de penser ensemble l’accélération technique (celle des transports, de la communication, etc.), l’accélération du changement social (des styles de vie, des structures familiales, des affiliations politiques et religieuses) et l’accélération du rythme de vie, qui se manifeste par une expérience de stress et de manque de temps. »

Depuis la traduction de ce texte, les analyses de Rosa ont nourri de nombreux sujets de concours administratifs.

 

Les vertus de l’échec, Charles Pépin (Allary Editions, 2018)

Vulgarisateur très talentueux, Charles Pépin est un vrai professeur de philosophie. Ces conférences hebdomadaires, ses interventions dans la presse ou à la télévision sont toujours claires et éclairantes. Il fait partie de ces enseignants qui nous rendent plus intelligents quand on les écoute…Je le connais depuis longtemps, la prépa, j’ai été son professeur, il a été celui de ma fille…Il n’y a que des bons souvenirs et je recommande ses livres comme on recommande un être de confiance. Il nous parle dans cet essai pour le public le plus large de « confiance en soi » et je suis heureux que ce soit l’occasion pour moi d’exprimer toute ma confiance en lui.

Je conseille à tous ceux qui veulent se réconcilier avec la philo le savoureux : « Ceci n’est pas un manuel de philosophie » chez Flammarion. Génial.

 

Décadence, Michel Onfray

Michel Onfray est un intellectuel brillant, un vulgarisateur talentueux et un polémiste digne d’attention. Mais…Michel Onfray écrit beaucoup …trop. Et sa production érudite et prolifique est d’une inégale qualité (il revendique plus de 80 titres) On ne saurait parler de tout, ni avoir sur tout une pensée claire et avisée. Pourtant son absence de cette liste eût été injuste.

A mon avis son dernier ouvrage vraiment impressionnant date de 2017. C’est Décadence, extraordinaire d’érudition et de précision. Il y est question du religieux, sous ses multiples formes. Du religieux consacré et du religieux laïque. Du théologico-politique. Des révolutions qui ont ambitionné de renverser le cours de l’Histoire. De la construction du Christianisme par Saint Paul à la révolution islamique d’Iran.

Je suis moins emballé par le dernier opus, « Grandeur du petit Peuple », un peu trop opportuniste à mon sens.

 

Utopies réalistes, Rutger Bregman  (Seuil , 2017)

« Commençons par une petite leçon d’histoire.

Dans le passé tout était pire.

Pendant à peu près 99% de l’histoire du monde, 99% de l’humanité a été pauvre, affamée, sale, craintive, bête, laide et malade. »

La lecture d’un livre qui débute sur un tel incipit ne saurait être nocive !!!

Le texte de Bregman a été le plus grand succès de librairie, catégorie Essais, en Europe de l’année 2018. En France il est passé à peu près inaperçu, ce qui est révélateur.

Car il s’agit bien d’en finir avec le déclinisme…Le Progrès, c’est tout simplement la réalisation des utopies. Et Rutger Bregman nous rappelle au bon sens de l’histoire, celui qui pousse vers une amélioration de nos conditions de vie. Il revient sur la richesse, la liberté, le travail, l’éducation etc.

 

Effondrement : Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, Jared Diamond (Gallimard, 2006)

Un ouvrage passionnant qui est devenu en quelques années un grand classique du catastrophisme. Diamond raconte comment de grandes civilisations ont disparu, plutôt comment elles se sont effondrées. Le mot implique une disparition brutale, imprévue et totale. L’analyse la plus célèbre porte sur l’île de Pâques.

On y découvre des décisions « catastrophiques » qui le plus souvent perturbent l’environnement ou le cadre naturel de ces sociétés.

Une réflexion sur la responsabilité. La plupart des « catastrophes » ne furent pas catastrophiques car le mot indique une issue irréversible et tragique, alors que toutes auraient pu être évitées.

 

Le Cygne noir, Nassim Nicholas Taleb (Les belles Lettres, 2010)

Philosophe des « sciences du hasard » Nassim Taleb développe une analyse originale sur ce qu’il appelle les « cygnes noirs », ces évènements aléatoires, hautement imprévisibles auxquels les hommes sont régulièrement confrontés.

Foisonnant d’exemples surprenant, voilà un texte qui nous parle de nous et des temps d’incertitude où nous sommes entrés.

 

Eloge des frontières, Régis Debray (Gallimard , 2010)

Prophétique en 2010, ce petit texte polémique vaut d’être relu aujourd’hui à la lumière de l’actualité. Il nous rappelle que nous avons besoin des frontières, que la première d’entre elles c’est notre épiderme et la signification des choses ne peut faire l’économie de « définitions », et définir c’est à proprement parler « délimiter ». C’est pourquoi on ne fait tomber une frontière qu’en la remplaçant par une autre.

 

Le triomphe des Lumières, Steven Pinker (Les arènes, 2018)

Voilà une belle défense et illustration des Lumières et des idéaux qu’elles ont portés. C’est un texte savant qui a marqué à sa parution parce qu’il passe au crible nos peurs, nos visions d’apocalypses, nos préjugés.

« Pourquoi il faut défendre la raison, la science et l’humanisme ». Mieux qu’un sous- titre, c’est un véritable sommaire.

A lire avec attention.

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