« Culture chez vous », 10 livres découvertes

Voilà mes dix coups de cœur du début de cette année…Romans français ou étrangers, essais, biographies…Mais comme une liste n’est jamais close, certains titres en appellent d’autres du même auteur.

Tous sont d’une actualité récente, aisément accessibles, leur seul point commun : le plaisir, l’étonnement, la sidération parfois que j’ai éprouvés grâce à ces lectures au cours de ces six derniers mois. Les titres sont présentés par ordre croissant d’intérêt, le dixième choix étant un pur chef-d’œuvre, selon moi et « quelques autres », probablement l’un des dix romans les plus impressionnants que j’aie pu lire dans ma vie de lecteur.

Cette liste n’engage évidemment que moi mais j’avais l’habitude d’en proposer de semblables chaque année au moment des fêtes de fin d’année à mes étudiants et j’avais envie, avec vous, de renouer avec ce petit rituel et ce partage.

 

1. « Chez Soi » de Mona Chollet, aux éditions La Découverte (2016)

Un livre assez récent que les circonstances rendent des plus actuels ! La très talentueuse journaliste du « Monde Diplomatique », Mona Chollet propose en effet une « odyssée de l’espace domestique » qui explore toutes les dimensions de notre rapport au logis, à notre « intérieur ». Le ton est enlevé et le propos très inventif, les références historiques, sociologiques sont très nombreuses. Riche et très divertissant.

A signaler de la même auteure le dernier essai intitulé Sorcières, la puissance invaincue des femmes Zones (2020), où comment le traitement réservé aux « sorcières » à partir du XVIème siècle révèle et fixe durablement le sort et l’image des femmes aux yeux et au pouvoir des hommes.

 

2. « Rouge, histoire d’une couleur » de Michel Pastoureau, Points Seuil (2019)

Pour les Sciences Humaines, parler de « couleur rouge » est presque un pléonasme. Le rouge est la couleur archétypale, la première que l’homme a maitrisée, fabriquée, reproduite, déclinée en différentes nuances, d’abord en peinture, plus tard en teinture (…) Cela explique pourquoi dans de nombreuses langues un même mot peut signifier ensemble « rouge », « beau et « coloré 

Trois autres petits volumes sont de la même inspiration : Noir, Vert, Bleu

Mais Pastoureau est aussi spécialiste du bestiaire médiéval, analyste de la symbolique des animaux. On lira donc avec beaucoup de curiosité les quatre ouvrages suivants :  Le loup, une histoire culturelle publié en 2018 et L’ours, Le cochon, Le bœuf.

Une approche de l’histoire très excitante, l’objet change de nature…On connaît l’histoire des passions françaises de Théodore Zeldin, l’histoire des odeurs de Corbin …C’est au tour de Pastoureau de s’emparer d’un nouvel objet dans la pure tradition de la nouvelle histoire.

 

3. « La passion Lippi » de Sophie Chauveau (2006)

Sophie Chauveau a le don de faire de la biographie d’un peintre un roman passionnant. Sa trilogie florentine ressuscite la Renaissance italienne à son point le plus brillant : Le rêve Botticelli, L’obsession Vinci et celui que j’ai préféré La passion Lippi.

Si vous ignorez tout ou presque de la peinture italienne du quattrocento et de la Florence des Médicis, ces textes vous en donneront la passion et sitôt ce mauvais moment passé, vous vous précipiterez sur les bords de l’Arno, au musée des Offices.

Si je préfère l’ouvrage consacré à Lippi, c’est que ce peintre qui fut le Maître de Botticelli eut une existence incroyablement romanesque. Orphelin découvert par le puissant Cosme de Médicis, il est formé par Fra Angelico et devient le plus génial des peintres de Florence. Moine mais aussi libertin, il finit par tomber amoureux fou de la jeune nonne qui lui sert de modèle quand il peint la vierge Marie. Grâce à l’intervention du Pape il sera relevé de ses vœux et pourra épouser son amoureuse dans une « happy end » plus folle que celle que la plus inventive des fictions pût imaginer.

Un régal !

 

4. « Le lambeau » de Philippe Lançon, Gallimard (2018)

Prix Fémina. Prix spécial du jury Renaudot 2018.

Le 7 janvier 2015, Philippe Lançon était dans les locaux de Charlie Hebdo. Les balles des tueurs l’ont gravement blessé. Sans chercher à expliquer l’attentat, il décrit une existence qui bascule et livre le récit bouleversant d’une lente reconstruction.

Un texte grave et une écriture ciselée.

 

5. « Les Choses humaines » de Karine Tuil, Gallimard (2019)

Prix Interallié, Prix Goncourt des lycéens 2019.

Je restitue la présentation de l’Editeur, elle me paraît juste :

Les Farel forment un couple de pouvoir. Jean est un célèbre journaliste politique français ; son épouse Claire est connue pour ses engagements féministes. Ensemble, ils ont un fils, étudiant dans une prestigieuse université américaine. Tout semble leur réussir. Mais une accusation de viol va faire vaciller cette parfaite construction sociale.
Le sexe et la tentation du saccage, le sexe et son impulsion sauvage sont au cœur de ce roman puissant dans lequel Karine Tuil interroge le monde contemporain, démonte la mécanique impitoyable de la machine judiciaire et nous confronte à nos propres peurs. Car qui est à l’abri de se retrouver un jour pris dans cet engrenage ?

Si le choix du sujet sacrifie aux préoccupations de l’époque et peut sembler opportuniste, il modifie le contexte habituel du traitement auquel il est le plus souvent soumis. La banalité du Mal, son caractère « accidentel » … Une vraie tragédie qui survient quand et où on ne l’attend pas.

Ce qui m’a particulièrement retenu par ailleurs, c’est le choix qui a été fait par les lycéens et qui conduit à lire le roman « autrement ».

 

6. « Khalil » de Yasmina Khadra, Julliard (2018)

Vendredi 13 novembre 2015. L’air est encore doux pour un soir d’automne. Tandis que les Bleus électrisent le Stade de France, aux terrasses des brasseries parisiennes on trinque aux retrouvailles et aux rencontres heureuses. Une ceinture d’explosifs autour de la taille, Khalil attend de passer à l’acte. Il fait partie du commando qui s’apprête à ensanglanter la capitale.
Qui est Khalil ? Comment en est-il arrivé là ?

Un court roman, simple et juste – comme souvent chez ce grand romancier algérien -, un style direct et une très grande finesse dans le dessin des caractères des personnages.

 

7. « My Absolute Darling » de Gabriel Tallent, Gallmeister (2017)

Un premier roman extrêmement puissant, comme la littérature américaine sait en produire une fois par décennie : un cadre – la côte nord de la Californie- un personnage principal d’une singularité fascinante – Turtle, une adolescente de 14 ans soumise à l’emprise d’un père charismatique et abusif et qui lutte pour s’en libérer – une narration originale et un style unique.

C’est un récit violent et pourtant attachant. C’est un roman qui a la force d’une tragédie grecque où Passion et Folie se nourrissent l’une de l’autre. Un face à face Père-Fille parfois insoutenable mais qui par moments touche au sublime.

Comme tous les très grands livres : impossible à résumer. C’est encore plus vrai pour les trois derniers textes de cette playlist.

 

8. « Je reviendrai avec la pluie » de Takuji Ichikawa (2003)

Depuis plusieurs années le Japon et sa Culture font en France l’objet d’une curiosité, d’un intérêt, voire pour certains d’une véritable passion.

On relit Kawabata (Tristesse et Beauté ! Exceptionnel !), Mishima (La Confession d’un masque , Le tumulte des flots, Chevaux échappés …), Tanizaki ( La confession impudique) ou encore Abé Kôbo ( La femme des sables) . Parmi les contemporains on publie abondamment Murakami mais on oublie, je crois trop souvent, celui qui aujourd’hui est considéré par les japonais comme le plus talentueux romancier contemporain : Ichikawa.

Je reviendrai avec la pluie fut en 2003 consacré par plus de trois millions de lecteurs : films, manga, adaptation télévisée ont suivi la publication de ce roman magnifique de poésie et de sensibilité.

Takumi élève seul désormais son fils de six ans. Mais sa défunte épouse, Moi, a promis avant de disparaître : « Je reviendrai avec la pluie »

Une histoire de fantôme sensible et bouleversante, un beau roman qui raconte l’apprentissage d’un fils par son père et réciproquement.

 

9. « Les Chaussures italiennes » de Henning Mankell (2009)

Un roman atypique d’un auteur très connu pour ses romans policiers mais qui propose ici un récit magnifique où l’émotion, la fantaisie, la poésie se mélangent dans le cadre d’une île de la Baltique où s’est réfugié un vieux chirurgien misanthrope, Fredrik.

Pour se prouver qu’il est encore en vie, il creuse un trou dans la glace et s’y immerge chaque matin. Au solstice d’hiver, cette routine est interrompue par l’intrusion d’Harriet, la femme qu’il a aimée et abandonnée quarante ans plus tôt. Fredrik ne le sait pas encore, mais sa vie vient juste de recommencer.

 

10. « Beloved » de Toni Morrison (1987)

Toni Morrison est morte au mois d’août 2019. Romancière de très grand talent, elle a reçu pour son œuvre le Prix Nobel de Littérature en 1993, Beloved est considéré comme son chef d’œuvre.

Depuis plusieurs années ce roman figurait en tête des ouvrages que je me promettais impérativement de découvrir dès que j’en aurais eu l’occasion. Mais rien ne pressait, le domaine du roman américain ne suscitant pas chez moi un intérêt particulier. Et puis il y a la nouvelle de cette disparition et soudain, comme toujours, les tables des librairies se couvrent de piles d’exemplaires des ouvrages de l’auteur décédé. Beloved revenait vers moi.

Quelle claque ! Quel chef d’œuvre ! Le roman relate à travers une ancienne esclave, Sethe, toute l’histoire de l’esclavage. Nous sommes après la guerre de Sécession américaine et Sethe rongée par le souvenir atroce du meurtre de sa petite fille, dix -huit ans après les faits, reçoit la visite d’ une jeune inconnue, Beloved, se présente au domicile de Sethe…Un récit de fantôme, à nouveau …Un lyrisme singulièrement elliptique et une écriture qui explore les confins de l’indicible ( l’infanticide et l’esclavage)…A couper le souffle !

 

La semaine prochaine : Une liste des 10 meilleurs romans policiers de ces 15 dernières années.

Retour en haut

Télécharger la brochure